Revivez le Printemps des Poètes 2022 à Quirbajou avec Accueil Paysan

Printemps des poètes 2022 à Quirbajou événement culturelle dans les fermes Accueil Paysan

Chaque année, le village de Quirbajou dans l'Aude organise une balade pastorale et poétique à l'occasion du Printemps des Poètes. Stéphane Warot, adhérent de La Folie des Faourès, vous raconte l'édition 2022.

Cette année, c'est la Maison Jaune qui a accueillit le Printemps des Poètes à Quirbajou, lieu d'Accueil paysan avec un relais d’étape, des chambres d’hôtes et une table paysanne depuis 2009 et aujourd’hui simplement gîte rural pour les vacances d’été. Les démarches de subvention étant lourdes à effectuer pour les petites associations, nous avons choisi cette année d'organiser cet événement sans cette aide. Mais ce n’est pas la seule raison : nous voulions aussi tester notre capacité locale à organiser un événement avec nos propres forces (réseaux, amis, voisins, etc.) dans la cadre d’une manifestation nationale, ce que nous avons appelé notre résilience culturelle.

Et me voilà à rédiger un compte rendu. Il sera sommaire et sans photo car le parti pris était de ne prendre ni image ni son puisque le thème était l’éphémère. Ainsi les participants (on avait du mal à distinguer d’ailleurs les spectateurs des intervenants) étaient complètement disponibles pour l’événement : une ballade poétique et pastorale aux alentours de notre village de Quirbajou.

Printemps des poètes à Quirbajou événement culturel accueil paysan

Rassemblement pour le départ à la Maison Jaune, remerciements, présentation et explications de notre démarche. Et c’est parti : on descend le long d’un potager vers une terrasse ou sont suspendus entre les arbres qui la ceignent des voiles triangulaires (hautes de 3m) sur lesquelles de petits poèmes, des haikus ou simplement des inscriptions poétiques ont été peints la veille par une équipe de « pinturlurons » du village et d’ailleurs. Tout cela flotte au vent et caressent les personnes qui traversent la terrasse en essayant de déchiffrer les textes mouvants.

On arrive sur une barque en pierre sèche avec un mât et une voile à hisser. Il y a un capitaine qui donne des ordres et apostrophe les mousses en marinière qui tentent de mettre la barque à l’herbe en tirant sur une grosse corde de chanvre. La voile est hissée, le vent s’y engouffre et on réalise que c’est une magnifique oeuvre d’art conçue pour la circonstance par une amie artiste . Parallèlement une sirène  fait son apparition en chantant une vielle mélodie, un intervenant venu de Paris se lance dans un sonnet de Mallarmé sur la mer. On essaye de casser une bouteille de blanquette de Limoux contre la coque en pierre de la barque mais elle résiste tant et si bien qu’il faut la lancer de toutes nos forces pour baptiser cette ouverture du 4ème Printemps des poètes à Quirbajou. La poésie coule à flot et des chants de marin aussi. La barque est enfin à l’herbe ! Et vogue dans notre imaginaire . Plus loin nous assistons sur un plancher de yourte circulaire à la danse d’une villageoise inspirée rythmée par des percussions faites de feuilles et de branches : éclosion, envolée et retour à l’immobilité et au silence.

Quelques dizaines de mètres plus loin, c’est un vieil habitant de Quirabajou qui nous récite une des tirades de Cyrano à plus de 80 ans ! Et brebis et agneaux dévalent juste après cadrés par la chienne Saï. Ils nous accompagneront un moment avant de se perdre dans le paysage nourricier.

Nous atteignons une nouvelle terrasse où il est temps que soient lâchés par une voisine quelques « botulèmes », c.a.d des aphorismes de Jean Baptiste Botul, célèbre philosophe imaginaire (il a sa page Wikipédia) inventé par une bande de vieux copains de Lagrasse à la fin d’un repas bien arrosé :« Je ne suis pas certain d’être indécis. » « Je ne veux pas donner au public l’illusion de m’avoir compris. » « Qui veut pisser loin ménage ses chaussures. » ….

Plus loin, au milieu d’un bois de petits chênes pubescents mais au dessus du sentier sont suspendus successivement 3 calligraphies de poèmes sur tissus installées par nos amis du Lot Un peu de musique pour nous accompagner jusqu’à une « Bouldépine » où un poème de Valérie Rouzeau dit par une jeune maman nous interpelle, suivi par un petit poème dit par une enfant debout sur une balançoire installée en pleine nature sous un gros chêne. Et nous arrivons à une terrasse qui domine le « Serpent Broussaille ». Gérard nous livre évidemment « le serpent qui danse » (Beaudelaire / Gainsbourg) .

Nous remontons tranquillement vers le Pech de Sougranet (960m) et nous nous arrêtons pour deux interventions en balcons, l’une d‘un ami du Lot avec un texte sur les pierres, l’autre d’un poète de tout à côté qui nous présente le poème d’une amie à lui. Nous continuons de monter sur un chemin très ombragé, balisé par des rochers et des arbres aux formes courbes, accompagnés par des « enfants chuchoteurs » munis trompes faites en courges longues jusqu’à « l’arbre lyre » qui est un pin double et majestueux au pied duquel la sirène métamorphosée en guide nous lit « conseils d’un arbre à un humain ».

La balade se poursuit au bord d’une terrasse surplombant un magnifique mur de soutènement avec vue dégagée sur les montagnes encore enneigées pour arriver à un embranchement de sentier, au pied d’un chêne en V où une amie du lot dit un poème de Cathy Garcia Canalès, poète et plasticienne d’ailleurs invitée elle aussi mais empêchée. Et puis, nous nous dirigeons derrière notre guide vers le deuxième temps fort de cette ballade, « la grotte magique » qui m’est apparue en rêve avec ce pseudo haïku : « Le feu couve / La grotte attend / Au loin des voix ». Le feu y avait été allumé, un bon feu en fait, pour que chacun puisse le voir de l’extérieur (la grotte est en balcon et partiellement murée mais elle a une cheminée naturelle qui permet un bon tirage). Première apparition au balcon de la grotte, une voisine qui dit un poème d’Aragon en hommage à son mari disparu récemment et puis, sans transition, les enfants qui interprètent « La fourmi de dix-huit mètres » de Desnos en cache cache. Un chant double et profond sort maintenant de la grotte et va nous accompagner un moment. La grotte donne sur diverses terrasse toutes aussi jolies les unes que les autres, des lieux intimes pour des poèmes précieux. Un jeune poète de Limoux nous dit ainsi un poème terminé dans la nuit, magnifique. Notre ami de Paris  se lance dans des sonnets de Shakespeare (version bilingue!) et pour finir quelques « botulèmes » sont tirés du chapeau pour le bonheur de tous. Au retour, nous passons en dessous du mur de soutènement que nous dominions tout à l’heure, nous nous arrêtons un moment autour d’un chêne tordu qui sort du mur et c’est à nouveau un poème de Valérie Rouzeau.

Plus loin, plus bas, nous nous retrouvons dans « la prairie des cistes » face à un paysage très ouvert et aux derniers rayons du soleil qui illuminent la vallée (du Rébenty). Un poème de Néruda en espagnol, hommage à notre amie comédienne Cécile Magnet et un poème de Char en hommage à Eugène Warot, extraordinaire diseur de poème, qui inaugurèrent tous deux le premier Printemps des poètes à Quirbajou en 2015 et qui sont décédés depuis. Et puis la jeunesse prend le relais : une petite fille dont les grands parents habitent le village et une amie à elle nous disent un poème à deux voix en occitan que le grand-père traduit.

De retour à la Maison Jaune, après avoir salué le cochon Achille (le même qu’en 2015), nous avons eu la surprise d’être accueilli par le violiste et facteur de violes nous attendait avec des airs irlandais. Idéal pour commencer à servir une collation bien méritée. A l’étage, dans notre grande salle, une exposition très variée d’oeuvres d’artistes locaux ou voisins attendait les visiteurs aux sons du piano-jazz de notre ami musicien. Des peintures, des tissus encrés et des bois gravés, des photographie retravaillées, des broderies minutieuses, des violes de gambe, de l’art postal et des bois peints. Après une bonne soupe de saison et un repas partagé nous avons poursuivi la soirée dans la salle d’exposition avec quelques poésies, des contes et surtout le concert exceptionnel d’un jeune pianiste et voisin de 17 ansqui a fait ses classes en Russie et qui nous a joué du Rachmaninov et du Prokofief de façon étourdissante.

Le lendemain matin pour les survivants: ateliers de poésie nomade et de calligraphie après un copieux petit déjeuner. Fin du printemps des poètes, édition 2022. Ouf !

Stéphane Warot, accueillant La Folie des Faourès à Quirbajou